L’enjeu de la productivité au Canada est souvent décrit comme un casse-tête. Mais c’est faux. C’est une simple équation mathématique qui a cessé de fonctionner. Quand les firmes canadiennes investissent autant par travailleur que leurs concurrentes américaines, quand les entreprises dépensent plus de 51 milliards de dollars annuellement simplement pour se conformer aux attentes règlementaires et quand plus de la moitié des produits alimentaires et de consommation que l’on retrouve sur nos étagères proviennent d’ailleurs, le résultat est inévitable : la croissance ralentit, les chaines d’approvisionnement s’affaiblissent et la compétitivité décline.
C’était l’essentiel de mon message d’hier devant le Comité de l’industrie de la Chambre des Communes. Ce dont on discute moins, c’est que cette érosion est tout à fait évitable. Elle est le fruit de choix structurels qui peuvent être modifiés.
La Banque du Canada a récemment énuméré les trois piliers de la productivité : intensité des capitaux, compétences et innovation. Chacun de ces trois éléments est empêtré dans des systèmes qui ne correspondent plus aux exigences manufacturières modernes.
Nous en constatons clairement l’impact sur les produits auxquels les Canadiens font confiance jour après jour. Environ 55 pour cent des articles vendus en épicerie sont désormais importés. Il y a une génération, plusieurs de ces produits étaient fabriqués ici. Les usines domestiques continuent de se classer parmi les plus efficientes de leur réseau mondial, mais l’augmentation des coûts, la lenteur des approbations et la règlementation disparate ont chassé l’investissement vers les États-Unis. En ce qui a trait aux produits de santé des consommateurs, l’écart est encore plus marqué. Le Canada ne produit qu’une fraction du dentifrice, du déodorant et des articles de soins personnels dont dépendent les Canadiens. La capacité de production est là, mais l’environnement ne récompense ni l’investissement, ni l’expansion.
Les manufacturiers de taille moyenne font face à des défis propres. Ils doivent affronter une règlementation digne des grandes entreprises, mais sans avoir le même niveau d’accès au capital. Pendant ce temps, les concurrents mondiaux s’automatisent de plus en plus et font progresser leur capacité manufacturière beaucoup plus rapidement. Les analyses internationales démontrent maintenant que les entreprises agroalimentaires canadiennes de taille moyenne perdent du terrain en matière d’adoption de la technologie parce que l’investissement public capable de la soutenir n’est pas au rendez-vous.
L’infrastructure représente un autre facteur critique. Les ports, les corridors ferroviaires et les systèmes de logistique canadiens demeurent des goulots d’étranglement pour les manufacturiers. Le Budget 2025 prend quelques engagements importants envers le commerce et le transport, mais les gains dépendront de leur mise en œuvre. Un transit portuaire plus rapide, un système ferroviaire plus à l’écoute et une meilleure conformité logistique sont essentiels si le Canada veut convertir l’investissement financier en une meilleure productivité.
La politique fiscale est un domaine où des progrès doivent être accomplis. La superdéduction à la productivité et la déduction d’un montant à titre d’amortissement, mesures annoncées dans le Budget 2025, sont des progrès marqués, Ils rendent le cumul des incitatifs fiscaux canadiens plus concurrentiels que ceux des États-Unis. Ces changements sont une conséquence directe d’années d’efforts de défense des intérêts par les manufacturiers canadiens, dont PASC. Mais il faut faire davantage. Un crédit d’impôt national pour les manufacturiers, un système modernisé de recherche scientifique et de développement expérimental, de même qu’un régime privilégié des brevets fédéral permettraient au Canada non seulement d’attirer les investisseurs, mais aussi d’ancrer la propriété intellectuelle et la commercialisation ici, chez nous.
La modernisation de la règlementation est tout aussi importante. Le Canada doit se doter de systèmes qui récompensent l’innovation plutôt que la duplication. Une meilleure coordination nationale sur le signalement des plastiques, des règles de données et d’étiquetage modernisées et l’adoption de l’étiquetage numérique pour les aliments et les produits de santé des consommateurs réduiraient les coûts, amélioreraient l’agilité et aideraient les Canadiens à compétitionner à grande échelle.
La bonne nouvelle, c’est qu’aucune de ces mesures n’exige de réinventer la roue. D’autres pays en ont déjà démontré l’efficacité : il s’agit d’investir dans les outils qui augmentent la productivité, de dégager la voie de la croissance pour les entreprises de taille moyenne, de moderniser les systèmes d’approbation, de se doter d’une infrastructure agile et de créer des environnements fiscaux qui récompensent l’innovation et la production.
Le Canada possède le talent, la technologie et l’accès au marché nécessaire pour être mondialement concurrentiel. Il nous faut maintenant un système qui tire profit de ces forces pour produire des résultats.
En traitant la productivité comme l’équation mathématique dont il s’agit et en corrigeant les variables qui freinent l’élan du Canada, nous pourrons croître plus rapidement, faire en sorte que les Canadiens achètent davantage de produits domestiques et développer une économie plus robuste et plus concurrentielle à long terme.
Cette lettre ouverte a été publie à l’origine sur Linkedin.